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Voyage au cœur des mots avec Étymocurieux

Publié le 6 juin 2025

Étymocurieux, de son vrai nom Sébastien Grimaud, est un passionné d’étymologie. Ses différentes vidéos sur les réseaux sociaux sont une invitation à explorer l’histoire fascinante des mots de notre quotidien, à travers des analyses approfondies, ludiques et accessibles à tous.

Un parcours atypique

Comment ce projet est-il né ?

Il est né un peu par hasard, lors d’une soirée avec des amis et de la famille. Je me suis retrouvé à faire le tour de table de l’étymologie des prénoms, quand je la connaissais. Le silence qui s’est installé à table m’a fait comprendre que cela pouvait intéresser les gens. J’avais fait du latin et du grec donc j’adorais déjà ça, mais cette soirée a été comme un déclic. J’ai compris qu’en trouvant le bon angle on pouvait réussir à captiver les gens. Quelques jours après, j’ai eu l’idée de faire la même chose sur les réseaux sociaux.

Comment avez-vous démarré ce projet ?

J’ai démarré en décembre 2023. Le réseau qui était le plus naturel pour moi était Instagram, car je ne connaissais pas vraiment TikTok.
Le premier mois, je ne faisais pas de vidéo, je ne faisais que des images et je ne montrais pas ma tête, même s’il y avait quand même une photo de moi. Je générais des images grâce à une IA pour illustrer le mot que j’avais choisi, puis j’écrivais l’étymologie par-dessus. C’était quelque chose de moins incarné, mais dans un premier temps, j’étais plus à l’aise.
J’ai donc fait ça pendant un mois, ce qui m’a permis de réunir déjà un millier de personnes. J’ai ensuite sauté le pas et j’ai commencé à me filmer. C’était un exercice complètement nouveau, j’y ai pris gout et ça a pris de l’ampleur.

Quel a été votre parcours avant d’en arriver là ?

Avant ça, j’ai fait un baccalauréat littéraire au lycée Georges-Brassens à Paris, qui avait un parcours CHAM, donc j’étais en musique.
J’ai ensuite fait une hypokhâgne au lycée Jules-Ferry et j’ai vraiment adoré. C’est là que j’ai commencé le latin et le grec, niveau grand débutant. J’avais déjà fait du latin au collège mais j’avais dû arrêter au lycée. J’ai également fait deux khâgnes au lycée Claude-Monet. Il y avait des professeurs exceptionnels en grec et en latin.
Après la prépa, j’ai fait un Master de lettres classiques à la Sorbonne. Ce cursus me plaisait beaucoup, notamment les cours de linguistique. J’adorais la grammaire ainsi que la rigueur de la version et du thème en langues anciennes.
J’ai ensuite fait un CAPES de lettres, mais j’enseignais déjà avant comme contractuel, parce que je voulais travailler pendant mes études. J’ai également passé une agrégation de musique, parce que j’ai toujours aimé ça, en plus des lettres. J’ai commencé la musique a 11 ans environ au conservatoire. J’ai d’abord fait de la clarinette, du piano, puis du clavecin en étant adulte. J’ai enseigné 3 ans les lettres classiques et 4 ans la musique. Je n’enseigne plus, mais j’y retournerai peut-être un jour.

Faites-vous toujours de la musique ?

Oui, j’étais justement en concert hier soir, avec des musiciens de l’Orchestre de Paris. En fait j’adore tout faire : j’aime la musique, j’aime les lettres. Je fais donc des lettres sur les réseaux et de la musique en concert.

Être créateur de contenu

Qu’est-ce que le travail de créateur de contenu signifie pour vous ?

Je pense que ça dépend vraiment du domaine dans lequel on se situe. En ce qui me concerne, c’est surtout un travail de recherche et d’écriture. Ça n’a l’air de rien, car la vidéo dure 1 minute ou 1 minute 30, mais je passe des heures, voire des jours à effectuer des recherches.
Il faut d’abord trouver des idées originales, ce qui implique justement d’être créatif. Le travail d’écriture est ce qui me prend le plus de temps parce que j’essaie de construire quelque chose qui soit clair, et aussi, sans être exhaustif parce que c’est impossible, de très complet. Si je choisis le mot « grand-mère » par exemple, je vais essayer de citer des sources linguistiques, des dictionnaires anciens, de la littérature, et je vais essayer de faire une plaisanterie à la fin. Au début mon script fait 3 pages, puis je resserre pour que tout tienne en 1 minute.
Dans « créateur », il y a aussi l’idée de prendre de la matière un peu partout et de créer quelque chose de différent, mais qui soit compatible avec l’esprit des réseaux. Les gens sont sur les réseaux pour se divertir ; produire un contenu très scolaire ne marcherait pas, et ce n’est pas ce que je souhaite faire. Il faut donc créer quelque chose de divertissant, mais aussi d’intelligent, et d’un petit peu subtil.
Je préfère l’appellation « créateur de contenu » au terme d’influenceur, car je ne cherche pas à influencer les gens et je ne vends pas de gadgets. Cela dit, créateur de contenu est un métier, et c’est devenu mon activité principale. Il faut en vivre et je ne m’en cache pas. Je fais donc, de temps en temps, des partenariats qui me permettent d’avoir un revenu mais je choisis toujours des partenariats éthiques, responsables ou intellectuellement intéressants. Ce sont, par exemple, des partenariats avec des organismes pour apprendre une langue étrangère, en lien avec l’associatif, ou encore avec des instituts culturels comme l’Opéra-Comique. L’avantage de mon compte, c’est que tout peut être prétexte à étymologie puisqu’il y a des mots partout. L’objectif principal reste avant tout de donner du contenu pour partager du savoir, sans faire des partenariats tout le temps. J’adore apprendre : j’adore apprendre pour moi et j’adore ensuite apprendre aux autres, et c’est ça qui me motive.

Comment choisissez-vous les mots sur lesquels vous travaillez ?

Le choix des mots dépend de plusieurs choses. Parfois, ça dépend de mon humeur et les mots me viennent simplement en y réfléchissant. Ça dépend aussi de l’inspiration du moment ou de mes lectures. Les abonnés m’envoient également des suggestions tous les jours. De, nombreuses personnes se questionnent sur l’écriture de tel mot, se demandent pourquoi il y a un « s » à tel endroit, pourquoi on dit telle expression.

Concrètement, comment cette activité s’inscrit-elle dans votre vie professionnelle et personnelle ? S’agit-il d’un travail à plein temps ?

Oui, c’est devenu un travail à plein temps. Au début, c’était une passion que je faisais sur mon temps libre, et maintenant c’est mon activité professionnelle, en plus de la musique. J’ai le statut d’auto-entrepreneur qui me permet d’avoir une plus grande liberté. Je vis uniquement des partenariats car Instagram ne rémunère pas, peu importe le nombre de vues. TikTok au contraire rémunère mais ce n’est pas assez pour vivre, et j’y suis moins actif.

Les vidéos comme outils de transmission

Pensez-vous à un public particulier quand vous concevez vos vidéos ?

Je pense à tout le monde, parce que quand je regarde mes statistiques, je constate qu’il n’y a pas de public précis. Il y a toutes les tranches d’âges, bien que les plus représentées soient les personnes entre 25 et 40 ans. Il y a aussi tous les pays : il y a 70 % de Français, mais il y a aussi des Belges, des Suisses, des Africains, ou encore des Québécois. J’adapte ainsi mon discours pour que ce soit compréhensible par des adolescents, des adultes, par des gens qui sont ou ne sont pas du métier.
Ce que j’essaie de faire c’est capter l’attention des gens. On dit souvent que tout se joue dans les 3 premières secondes, il faut donc avoir une phrase accrocheuse, souvent liée a quelque chose de contre-intuitif, pour que les gens aient envie de rester. L’intérêt de la personne est différent si j’arrive en disant : « Aujourd’hui, on va étudier la réduplication linguistique » ou « On dit une grande sœur, alors pourquoi on ne dit pas une “grand-mère” ? ». Dans le deuxième cas, ça parle à tout le monde et donc ça peut attiser la curiosité des adolescents, des adultes ou des seniors.
Je pense également qu’il faut utiliser l’humour, même en tant que professeur, pour intéresser la personne qui est devant nous.

Quelle est la part des échanges dans votre travail, puisqu’on parle de communauté avec les réseaux sociaux ?

C’est quelque chose que je ressens vraiment. Ce qui est génial avec les réseaux, c’est que ça passe par écrans interposés, mais il y a quand même un sentiment de communauté. D’abord il y a les chiffres : je vois les gens liker et je vois le nombre d’abonnés. Quand j’ai commencé fin 2023, l’objectif que je m’étais donné était d’atteindre 10 000 abonnés au bout d’un an. Ça fait maintenant 10 mois, et il y a 250 000 personnes sur Instagram et 40 000 personnes sur TikTok, c’est incroyable. Mais cet esprit de communauté passe surtout par les interactions, avec des gens qui prennent le temps de commenter ou qui m’écrivent un message en privé. Ce n’est pas toujours évident parce que je reçois beaucoup de messages, mais j’essaie de répondre au maximum. Quand je ne peux pas répondre, je fais une story ou je remercie les gens de me soutenir parce que ça me fait vraiment plaisir.
Maintenant, j’aimerais rencontrer les gens en chair et en os. Ça arrive déjà un peu : des personnes sont venues au Festival de la francophonie ou j’étais, d’autres sont venues au concert d’hier soir. Je trouve ça incroyable que les gens prennent le temps de venir me parler et j’aimerais rencontrer davantage les personnes qui me suivent. J’aimerais continuer mon activité sur les réseaux, mais à terme, le faire autrement, pourquoi pas des conférences ou dans le cadre de spectacles sur scène.

Avez-vous des retours d’élèves ou de professeurs ? Avez-vous déjà rencontré des professeurs qui utilisaient vos contenus ?

Il y a des enseignants qui me suivent et qui montrent mes vidéos à leurs élèves en classe ou recommandent mon contenu. D’autres m’écrivent pour me demander des conseils, sur la manière par exemple d’aborder tel sujet avec des élèves. J’essaie de les aider du mieux que je peux. J’ai aussi des retours d’étudiants qui m’expliquent que mon compte leur a été conseillé par leur professeur.
Dans l’ensemble, les commentaires sont très positifs. J’ai parfois des retours négatifs, qui peuvent être constructifs : on me dit si j’ai commis une petite faute, ou un trop grand raccourci. Les gens sont vraiment attentionnés et attentifs et c’est très bien ainsi parce que ça me permet de progresser.