Publié le 25 novembre 2022
Par Armand Kadivar
À l’occasion du centième anniversaire de la mort de Proust, la BnF dévoile la genèse d’À la recherche du temps perdu en réunissant 370 pièces capitales et inédites : manuscrits, exemplaires imprimés d’époque, sources d’inspiration… De quoi plonger dans les secrets de fabrication d’une œuvre monumentale et découvrir des anecdotes, des objets et des œuvres qui éclairent d’un jour nouveau ce sommet romanesque.
« Cahiers de brouillon, de mises au net, feuillets volants, carnets, dactylographies, épreuves, placards et paperoles »
Marcel Proust est mort il y a cent ans. Pour honorer la mémoire de l’un de nos auteurs les plus reconnus, la Bibliothèque nationale de France propose une exposition qui retrace la conception de La Recherche. Cahiers de brouillon, de mises au net, feuillets volants, carnets, dactylographies, épreuves, placards et paperoles jalonnent le parcours d’une somme littéraire dont la publication commence en 1913 avec Du côté de chez Swann et s’achève en 1927 avec Le Temps retrouvé.
L’occasion d’apprendre qu’À la recherche du temps perdu devait initialement se nommer Les Intermittences du cœur, titre marivaudien s’il en est, et son premier volume Le Temps perdu plutôt que Du côté de chez Swann. Quant à la fameuse madeleine, qui ressuscite le souvenir de la tante Léonie pour le narrateur, elle fut d’abord pain rassis, puis grillé, avant d’être biscotte ! Plus cocasse encore, l’affiche que feint de contempler le baron de Charlus pour fuir le regard du narrateur dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, promeut, selon les versions préparatoires, un concert de Richard Wagner ou… les bouillons Liebig !
Si les écrits proustiens constituent la matière première de l’exposition, on retrouve également d’autres œuvres en lien avec La Recherche. Aussi ne sera-t-on pas surpris de retrouver de nombreuses peintures signées Turner, Monet ou encore Renoir, au vu de l’importance que revêt cet art chez Proust, via le personnage d’Elstir. Les extraits musicaux de Ravel, Beethoven, Strauss ou encore Stravinsky, joués tout au long de l’exposition, plongent le visiteur dans l’ambiance musicale de l’époque, tout en faisant écho à la fameuse sonate de Vinteuil, celle qui touche profondément Charles Swann et fait naître sa relation avec Odette de Crécy.
« Des vêtements signés Fortuny qui auraient pu être ceux de Mme Swann et d’Albertine, une commode de style Empire qu’aurait adorée la duchesse de Guermantes »
À ces œuvres d’art s’ajoutent des objets divers qui trouvent leur équivalent textuel sous la plume de l’écrivain : des vêtements signés Fortuny qui auraient pu être ceux de Mme Swann et d’Albertine, une commode de style Empire qu’aurait adorée la duchesse de Guermantes ou encore une lanterne magique, comme celle avec laquelle, à Combray, le soir venu, on essaie d’apaiser l’angoisse du jeune narrateur… Bien plus que de simples éléments de décoration, l’incorporation de ces objets emblématiques permet de rendre compte des liens entre l’art et la vie, question essentielle que pose le roman en plus de celle, évidemment, du temps.
L’exposition, 100 ans après la mort de Proust, déploie rigoureusement, salle par salle, volume par volume, la chronologie d’une écriture, celle d’une œuvre entre deux siècles et entre deux guerres, 1870 et 14-18. À défaut de refaire un tour du côté de chez Swann, la Bibliothèque nationale de France nous propose de replonger au cœur de cette œuvre qui se joue du temps, à la croisée de l’éternel et du transitoire.